Europa nur mit uns – Ludwigsburg
Un comité pour la gouvernance économique européenne
Tina Waedt et Laurence Pellegrini
La commémoration du 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée met en lumière la spécificité et la durabilité de la coopération bilatérale dans l’histoire de la construction européenne. Toutefois, la période de crise économique que traverse l’Europe, et le regard critique des observateurs sur la multiplication des « sommets de la dernière chance », commande une redéfinition du rôle de l’axe Paris-Berlin. Il en émerge surtout la nécessité de donner à l’Europe des structures qui permettent une anticipation des situations d’urgence, plutôt que leur règlement a posteriori.
Contrairement aux affirmations des médias, l’Union Européenne n’a pas connu une crise de l’euro, mais, pour être plus précis, de la zone euro. Si l’euro entrait dans une période de crise monétaire, on assisterait à la conjonction de deux phénomènes : d’importantes variations de son taux de change, et une perte majeure de confiance des investisseurs, qui provoquerait la chute de sa valeur. L’évolution du cours de l’euro depuis sa mise en circulation démontre au contraire son attrait croissant sur le marché monétaire international : alors qu’en 2002, la parité entre l’euro et le dollar était d’environ 0,95, cette valeur s’est inscrite continûment en hausse, pour atteindre aujourd’hui près de 1.33. En 2012, l’euro demeure au deuxième rang des monnaies les plus échangées sur le marché des devises, derrière le dollar qui reste la base de calcul des matières premières. Enfin, en une décennie, la parité euro-dollar est devenue une référence incontournable sur le marché des changes.
En réalité, le seul domaine européen où l’Union a véritablement abouti, la monnaie, peut être considéré comme un succès. En effet, pour les pères de l’euro, la monnaie européenne avait vocation, en temps de crise, à protéger les pays membres de fluctuations sauvages, et surtout, à ne plus dépendre strictement de la politique monétaire américaine. De même, affirmer que la Banque centrale européenne n’a pas joué son rôle dans la crise de la dette est un non sens historique et institutionnel. La condition sine qua non de la création d’une BCE était sa stricte indépendance comme garante de la stabilité des taux de change et de la politique anti-inflationniste.
La crise de la dette a toutefois mis à jour une défaillance dans la convergence économique, qui devait faire de la zone euro une zone monétaire optimale. En effet, la création d’une monnaie dans un premier temps devait être assortie, pour assurer sa stabilité, d’harmonisations économiques, notamment dans les domaines fiscaux et budgétaires. Or, leur dimension éminemment régalienne explique les hésitations des États à s’en remettre à l’Europe. Sans pour autant devoir déléguer ses compétences, les Européens disposaient des instruments nécessaires à une plus grande intégration économique dans le Pacte de stabilité de 1997, axé précisément sur la lutte contre les déficits publics excessifs. Le caractère non contraignant de cette mesure a alors entraîné son assouplissement, pour finir par ne plus la respecter.
Alors que les souverainistes s’indignent de voir toujours plus de compétences déléguées à l’Europe, les faits montrent que dans certains domaines économiques, comme la politique budgétaire, l’intégration européenne offrirait au contraire une plus grande dépendance aux États de la zone euro vis-à-vis du marché financier, en évitant ainsi les spéculations sur les dettes. En France comme en Allemagne, la question des déficits publics comptent parmi les préoccupations principales des citoyens. La commémoration du discours du Général de Gaulle à Ludwigsburg rappelle que la jeunesse, et, plus généralement, la société civile ont un rôle déterminant à jouer dans le rapprochement franco-allemand au service de l’Europe.
Quand, en 1986, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ont, en tant qu’anciens dirigeants, créé le Comité pour l’Union monétaire de l’Europe – qu’ils co-présidaient -, leur objectif était surtout de démontrer aux décideurs européens que cette union était en réalité une revendication de la société civile. Leur action, en faveur de la relance européenne, a notamment contribué à la création du Comité Delors, clé de voûte de l’Union économique et monétaire de l’Europe. Par ailleurs, l’Association pour l’Union monétaire de l’Europe, composée d’agents économiques, créée à l’initiative du « couple » Giscard d’Estaing-Schmidt, a activement participé aux négociations politiques, jusqu’à la mise en circulation de la monnaie unique.
Aujourd’hui, la crise de la dette, et plus généralement le déficit de gouvernance économique en Europe, touche également directement les citoyens. Comment atteindre la prospérité en Europe (croissance, qualité de vie, plein emploi) est la question à laquelle ce groupe tentera de répondre, au travers d’un Comité pour la gouvernance économique européenne, sur le modèle du Comité Giscard d’Estaing-Schmidt. Le Comité est co-présidé par un Français et un Allemand, qui ont pour mission de définir une voie entre les conceptions françaises – un gouvernement – et allemandes – des règles communes – et de fédérer les points de vue de représentants des pays de la zone euro. Au cours de réunions régulières, le Comité établira une feuille de route qu’il transmettra aux décideurs européens.